Les Veggies Vont Gagner
Merci à Marilou van der Dussen pour la traduction de l'anglais

Vous pourrez à l'occasion voir des chiffres du pourcentage de la population qui est végétarien ou vegan et alors penser qu'il ne représente pas une grande proportion. Ce n'est peut-être pas un pourcentage élevé, mais il est très parlant car il augmente et cela veut dire que l'industrie de la viande diminue. 

Oubliez les histoires touchantes du petit fermier qui aime son bétail jusqu'à la (leur) mort. L'industrie de la viande, c'est surtout de grandes coopératives gérées par des techniciens au regard d'acier dont le but unique est de faire le plus d'argent possible. Et pour cette raison le nombre proportionnellement petit de végétariens et de vegans n'arrête pas de les inquiéter.
Quand ils parlent au sujet de l'industrie de la viande, ils la décrivent sans exception en termes de chiffre d'affaires et disent que c'est une industrie de plusieurs millions d'euros, dollars ou livres. Cela peut impressionner, mais d'un point de vue commercial le bénéfice et le retour sur investissement sont bien plus importants.

Permettez-moi de vous expliquer à l'aide d'un exemple simple mais parlant comment marchent les affaires. Utilisons un exemple simple : quelqu'un achète des articles à un grossiste et les revend en détail via internet. Pour faire un bénéfice, il doit les vendre à un prix plus élevé que le prix coûtant.

Le prix coûtant comprend deux éléments: les frais variables et les frais fixes. Les frais variables c'est ce qu'il paie pour les articles. Les frais fixes sont les dépenses pour la gestion de l'affaire, qui sont invariables qu'ils vendent ou qu'ils ne vendent pas : par exemple les locaux commerciaux, les services, le matériel, les salaires, l'assurance, les taxes sur l'entreprise etc.

Maintenant supposons que les frais fixes s'élèvent à 40  par an et que les articles coûtent 40  /100. Ce sont les coûts variables. Ainsi les frais totaux pour l'achat de 100 articles s'élèvent à 80   (les frais fixes plus les frais variables). Mettons qu'ils sont vendus à 1 /pièce. Le montant d'argent rentré, c'est-à-dire le chiffre d'affaire, s'élève à 100   et le bénéfice est de 20   (chiffre d'affaire moins les frais). S'ensuit un grand bonheur. Alors l'année prochaine ils achètent encore 100 articles. Pourtant qu'arrive-t-il si, au lieu de vendre tous les 100 articles, ils en vendent seulement 99? Les frais ( € 80) restent les mêmes, mais le chiffre d'affaire ne s'élève qu'à  99. Le bénéfice est ramené à  19. La joie diminue.

La chute du chiffre d'affaire fut seulement d'1 % ( € 1 de £100), mais la chute du bénéfice fut de 5%. (1  de  € 20). Cinq pourcent ne semble pas beaucoup, mais réfléchissez comment vous réagiriez si votre revenu était diminué de 5 pourcent !
Et qu'en est-il de l'année prochaine si vous vendiez encore moins? Voici le problème auquel l'industrie de la viande se trouve confrontée : les ventes diminuent et non seulement les bénéfices chutent mais le retour sur investissement tout autant. Le retour sur investissement mesure l'efficacité de l'utilisation de l'argent investi : si vous investissez  € 100 et avez un retour de   20, toutes choses étant égales par ailleurs, c'est un meilleur retour sur investissement que si vous investissez  € 100 pour un retour de £10.

Dans l'exemple ci-dessus où 100 article étaient vendus, le retour sur investissement fut de 25 pourcent : un bénéfice de   20 pour une dépense de  80. Quand on ne vendait que 99 exemplaires le retour sur investissement chutait à 23,75 % : un bénéfice de 19   pour une dépense de   100. Finalement, si les ventes devaient continuer à chuter le retour sur investissement deviendrait si petit que les investisseurs s'en détourneraient. Les entreprises peuvent encaisser une diminution de chiffre d'affaires, de bénéfice et/ou de retour sur investissement si cela arrive de temps en temps, mais si ça devient régulier l'industrie est vouée à l'échec. Tout d'abord elles peuvent compenser en économisant sur leurs frais : de plus grandes fermes avec moins de personnel, du fourrage et de l'alimentation plus nourrissants, de l'élevage pour une croissance plus rapide etc. Il y a quelques années, par exemple, les élevages de porcs n'avaient que quelques douzaines d'animaux et puis seulement des élevages de quelques centaines de porcs sont apparus. Cela a rendu les petits élevages moins profitables et ils ont fini par disparaître. Maintenant on construit des élevages de 1000 et quelques animaux et les élevages avec "seulement" quelques centaines d'animaux disparaîtront. 

Ce développement est un double coup dur pour l'industrie : les élevages plus petits ont besoin de plus de personnel pour un certain nombre d'animaux. Ainsi ils perdent des emplois quand ils sont remplacés par des plus grands et plus "efficients". Cela veut dire que d'un point de vue politique on n'est moins disposé à protéger le secteur. S'y ajoute que quand les élevages pour plusieurs centaines d'animaux ont été construits, on avait prévu qu'ils fonctionneraient pendant au moins 20 ans sinon plus pour obtenir un bon retour sur investissement de l'argent investi pour la construction des bâtiments. Si on les met hors de service plus tôt que prévu en faveur de plus grands élevages, les banquiers ne vont pas être contents et ils vont soit arrêter de financer soit exiger des intérêts plus élevés pour compenser des risques plus élevés.

Diminuer les coûts ne saurait être  qu'une solution temporaire si la demande continue à diminuer. Il est possible de stimuler la demande par la publicité, mais là aussi les résultats vont en diminuant. Chercher de nouveaux marchés est une autre solution potentielle : beaucoup d'entreprises européennes espèrent que les pays asiatiques achèteront leurs produits. La Chine qui est un des plus grands marchés est pourtant consciente des effets sur la santé des consommateurs de viande et en juin 2016 a publié un avertissement au sujet de la santé à ses citoyens dans lequel elle les incitait à manger moins de viande. 

La réalité c'est que l'industrie du bétail est condamnée à mort par mille petites réductions et c'est les vegans et les végétariens soutenus par les associations de la protection animale qui les leur infligent. Chaque fois que quelqu'un abandonne des produits animaux ne serait-ce que pour un repas, un petit morceau du chiffre d'affaire de l'industrie est soustrait. Et comme nous avons vu ci-dessus un petit bout du chiffre d'affaire représente un plus grand bout du bénéfice et du retour sur investissement. Le secteur des produits animaux ne disparaîtra pas parce que les gens ne mangeront plus leurs produits : il disparaîtra quand il ne fera plus gagner assez d'argent pour rendre l'investissement profitable. 

Alors, notre "job" comme vegans ou végétariens n'est pas forcément de convaincre les autres de devenir vegans ou végétariens : réussir à faire manger une alternative aux produits animaux devrait suffire. Par exemple, "un lundi sans viande" peut paraître une broutille, futile et improductive, mais, en réalité, si tout le monde y participait, on mettrait l'industrie de la viande à genoux. Un jour par semaine représente une chute du chiffre d'affaires de 14 %. Pour revenir sur l'exemple donné plus haut, cela voudrait dire la vente de 86 articles au lieu de 100 : le bénéfice tomberait de   20 à  6. C'est une baisse dévastatrice des revenus. Le retour sur investissement tomberait de 25 % à 7,5 % ce qui inciterait les investisseurs à aller chercher fortune ailleurs.

Il n'y a pas seulement la baisse des ventes qui cause la perte de l'industrie de la viande, mais aussi des exigences plus strictes du bien-être animal. Pour cette raison la différence entre les abolitionnistes qui voudraient la fin de l'industrie de la viande et les welfaristes (ceux qui voudraient améliorer les conditions pour les animaux dans l'industrie de la viande) n'a pas d'importance. De meilleures conditions pour les animaux mèneront sans aucun doute à l'augmentation des coûts de la production de viande. Cela implique bien sûr la réduction des bénéfices ce qui rend l'industrie de la viande moins attrayante pour l'investisseur.

Ne vous découragez donc pas si quelqu'un dit que seulement une petite proportion de gens sont vegans ou végétariens : nous avons une influence énorme sur les affaires et chaque repas sans viande et chaque régulation plus sévère pour le bien être animal sont d'autres petits clous au cercueil de l'industrie de la viande.