Heil Seitan (et les autres substituts  de viande)
 
Il y a des "vegans" qui voient d'un mauvais oeil les plats vegans qui ressemblent à s'y méprendre à des produits animaux. Personnellement je suis tout à fait pour, même s'ils sont produits par de grands groupes industriels, car chaque repas vegan est toujours un repas de moins basé sur des produits animaux. Je considère qu'il s'agit, en effet, d'une évolution positive le fait que nous voyions dans les magasins de plus en plus de tels produits de grands groupes alimentaires et même des propres marques de supermarchés.
 
Dans un monde idéal tout le monde serait ouvert aux arguments qui mènent au veganisme. Même les personnes qui ne se sentent pas concernés par le bien-être animal devraient comprendre les avantages à être vegan, notamment pour leur propre santé, pour la qualité de l'environnement et même pour leur compte en banque. Malheureusement trop souvent ces arguments rationnels et logiques sont balayés par "mais j'aime la viande/le lard/le fromage etc." Confrontés à un tel entêtement on désespère facilement d'en venir à bout. Pourtant nous n'avons pas besoin de convaincre tout le monde de devenir vegan : l'exploitation d'animaux pour la nourriture largement répandue pourrait cesser si assez de gens diminuaient leur consommation. Alors tout ce qui y contribue et rend plus facile cette diminution est plus que bienvenu pour moi.
 
L'industrie alimentaire basée sur l'animal est un business, et elle existe uniquement pour obtenir un profit. Quand il n'y aura plus de profit à la clef, elle disparaîtra. Elle n'a pas peur d'un petit pourcentage de personnes vegans ou végétariennes. Ce qui leur fait vraiment peur c'est la pensée d'une grande partie de la population suivant la mode des jours sans viande comme le "lundi sans viande". Si tout le monde suivait, ça représenterait une diminution de la demande de 14 % et cela détruirait l'industrie. Même si c'est difficile à croire, c'est la conséquence inévitable de la manière dont marchent les affaires. Permettez-moi de vous expliquer...
 
N'importe quelle affaire qui vend quelque chose doit couvrir ses frais avant de faire du bénéfice. Il y a deux sortes de coûts. Les frais fixes ou frais généraux sont les frais de base pour mener une affaire non dépendant de la production ou de la vente. Ils comprennent les locaux, l'assurance, un nombre de services, taxes locales etc. Les frais variables changent selon la production. Dans le cas d'une ferme d'élevage en feraient partie la nourriture pour les animaux, les notes du vétérinaire, litière etc.
 
Jetons un regard à une ferme hypothétique: elle a 200 € de frais fixes/an et une production de 100 animaux. Les frais variables pour chaque animal s'élèvent à 5 € et ils sont vendus 10 €  l'animal. Si maintenant la ferme vend tous les 100 animaux, elle a une rentrée de 1000 € (10 € x 100). Ses dépenses s'élèvent à 700 € dont 200 € de frais fixes et 500 €  (5 € x 100) de frais variables. Leur bénéfice s'élève à 300 € calculé à partir du revenu (1000 €) moins les dépenses (700 €).
 
Maintenant, supposons que la ferme produise 100 animaux et que suite à une chute de la demande n'en vende que 90. Les frais fixes restent stables à 200 €, les frais variables également à 500 €, mais le revenu baisse à 900 €. Le bénéfice est alors seulement 200 € (900 - 500 -200). Une diminution de 10 % des ventes mène à une chute de 33 % du bénéfice. Et, en plus, le fermier reste avec 10 animaux sur les bras et se demande ce qu'il va en faire : les garder et continuer à payer les frais variables en espérant de les vendre plus tard normalement ou de s'en débarrasser à un prix inférieur. Ce n'est pas forcément une décision facile à prendre : si les 10 animaux sont vendus à un prix plus bas cela pourrait mener à une chute de prix pour tous les animaux.
 
Alors le fermier doit décider combien d'animaux il produira l'année suivante: s'il produit à nouveau trop d'animaux, il aura le même problème et les acheteurs tireront profit de l'offre excédentaire en offrant un prix moindre. S'il ne produit pas assez, il perdra du bénéfice. Si, par contre, il y a trop peu d'offre pour la demande existante le prix par animal pourra à nouveau augmenter. Mais cela augmentera également le prix au consommateur... ce qui pourrait mener à une baisse de la demande.
 
Une des réponses des fermiers est de réduire les frais en créant les fermes industrielles où de plus en plus d'animaux sont élevés par de moins en moins de personnel. Même si à courte échéance cela semble être une bonne idée, à longe échéance cela aggravera la situation. Une ferme industrielle remplacera un certain nombre de plus petites fermes ce qui mènera au chômage dans le secteur de l'agriculture. Cela réduit également l'importance politique de l'agriculture ce qui veut dire que des campagnes de l'opposition auront plus de succès. La réduction du nombre de personnel veut dire moins de temps passé aux soins des animaux ce qui est en contradiction avec la demande accrue des consommateurs du bien-être des animaux.
 
Un autre problème créé par la baisse de demande c'est que le financement deviendra moins attrayant pour l'industrie. Les nouvelles fermes espèrent fonctionner avec profit pendant quelques décennies ou plus et basent leur plan d'affaires sur cette hypothèse. Néanmoins, la plupart des prêteurs sont conscients que le secteur est exposé à de multiples défis et que sa viabilité sur le long terme est douteuse. Cela peut mener à des taux d'intérêt plus élevés pour compenser le risque ou même au refus d'investir car tous les autres secteurs procurent un meilleur et plus sûr retour sur investissement.
 
Même si je suis quelqu'un qui voudrait abolir l'exploitation animale, j'applaudis tous ceux qui diminuent leur consommation de produits issus d'animaux parce que chaque réduction de consommation contribue au déclin de l'industrie. Je pense que l'intolérance vis-à-vis des non-vegans ne rend pas service au mouvement vegan. Cela crée une situation de controverse "nous et eux" et je crois que nous devrions permettre aux autres personnes d'accepter l'idée de devenir vegans.  Alors félicitons-nous des substituts à la viande et encourageons plus de personnes à les utiliser. Nous ne pourrons pas y parvenir s'ils se sentent mal à l'aise.

Nigel Franks